MT180

Après avoir difficilement tiré le cordon bricolé pour ouvrir la portière du taxi nous voici au pied du Grand Théâtre de Dakar. Il est bientôt dix-sept heure trente et nous sommes tous les trois à venir voir la finale internationale de Ma Thèse en 180 secondes. C’est la première fois que nous allons assister à cet exercice de style et Barbara une collègue de Céline s’est jointe à nous.

Depuis l’extérieur du bâtiment, la grande place est presque vide, mais deux files s’offrent à nous. Obéissant à la loi de Murphy des supermarchés nous prenons aléatoirement une des deux qui s’avère être la moins rapide. L’attente n’est pas très longue car il s’agit en faite juste d’une rapide fouille des sacs et contenants. Mais sans zèle et tout à fait négociable. Ainsi la gourde en métal de Barbara n’est pas confisquée. Un petit tas d’effets personnels nous dévoile le processus aléatoire de la fouille. Il contient d’autres objets a priori moins létaux, comme des peignes en plastique, des miroirs ou coupe ongle pour poupées. Mais au moins on voit que la sécurité est là et les gardes ont des beaux uniformes qui inspirent crainte et respect.

Mais alors pourquoi ça s’appelle « le Grand Théatre de Dakar » ? Et bien parce que il est à Dakar déjà. Et c’est un grand théâtre, très grand. Pour souligner ou pour contraster cette taille, un portrait du président Macky Sall est accroché dans le hall et fait figure de timbre poste collé sur les immenses balcons donnant accès aux gradins.

Deuxième étape de la file, il faut récupérer un jeton qui permettra de voter pour son candidat favori. Nous suivons le mouvement de la foule et empoignons chacun un jeton. Je passe sur la coupe en plastique d’eau Casamançaise parce que si c’est pour la jeter par terre une fois terminée, merci mais non merci.

Nous suivons toujours le flux de la foule hétéroclite en direction de la salle, des étudiants à chemise blanche et cravate rouge, des groupes plus « fashion », quelques spectateurs un peu plus routard. Et c’est au détour d’un escalier que Céline est interpellée par ce qui semble être une organisatrice. Elle est bien apprêtée et flanquée de deux hommes de la sécurité.

« ha non vous, vous passez par là ! »

Surprise incompréhension, mouvement de foule. Il faut réagir vite car une question est enchainée.

« vous représentez quelle institution ? »
« le Lycée Jean Mermoz …  » répond Céline sans hésitation notable
et d’enchainer « mais on est trois ensemble…  » en désignant Barbara et Lucas. Ni une ni deux nous voilà en train d’emprunter le chemin réservé au VIP pour accéder aux premiers rangs de la salle.

Pour prendre toute la mesure de la surprise et de la méprise, il est important à ce niveau du récit de faire une description de nos accoutrements. Nous sommes tous les trois en mode plutôt « routard ». T-shirt New York et jean daté pour Lucas. Un haut propre mais bien ample et un pantalon tout à fait quelconque pour Céline. Barbara ne détonne pas non plus avec son t-shirt de prof. Au niveau des accessoires Céline porte un magnifique sac de course bleu qui a traversé les âges avec nous.

Mais bon on va être bien placés … alors faisons juste profil bas … en essayant de réprimer les macro-expressions sur nos visages. Surprise incompréhension, interloquage et rire…

Nous voici en bas de la salle et nous n’avons pas vraiment le temps d’analyser l’emplacement optimum qu’une ouvreuse interpelle encore Céline d’un ton assuré:
« ha c’est bien que vous ayez pu venir ! »
Si j’étais sur une chaise j’en serais tombé d’étonnement tellement l’assurance de l’ouvreuse ne laisse aucune place au doute. Et d’enchainer:
« voila c’est par là, vos copines sont installées au bout là-bas ». Si j’étais assis sur une autre chaise j’en serais aussi tombé d’étonnement.

Nous nous engageons donc dans une rangée au bout de laquelle un écriteau « réservé » nous sous-entend que nous ne devrions pas être là. Nous continuons un peu pour lire les écriteaux latéraux qui sont encore plus intransigeants : « corps diplomatique ». Retour au centre alors, là il n’y a pas d’écriteau sur la rangée, il est tombée donc c’est bon. Nous nous plaçons au centre. En attendant l’heure de début nous observons de part et d’autre afin de voir si il n’y a pas une sosie de Céline avec un badge officiel qui viendrait nous expulser. Mais rien. Chance pour nous il y a tout de même beaucoup de place et elles ne sont pas numérotées.