S1:E24 – Are you madd ?

Précédemment dans 5189 bornes…

 » On espère qu’à Dakar, la douche se situe dans la salle de bains. … « 

 » … La semaine prochaine, c’est Tabaski … « 

« .. Réponse A: je passe … »

 » …. ce sont les quatre stères de papier qui trônent contre un pan de mur, attendant peut-être un rangement plus ordonné. … »

« … il faut avoir un bon moteur et accélérer pour pas que l’eau rentre dans le pot d’échappement … »

« … Vendredi, on a la première soirée de l’Amicale. Cela permettra peut-être de faire plus amples connaissances… « 

« … C’est lui qui s’en occupe. Son nom c’est monsieur Ly … « 

« … Hi, it’s Brenda … »

« … En voyant leurs têtes, je me rappelle qu’on est en plein Ramadan ! « 

« … il y a même un marchand assis sur son propre présentoir pour ne pas gêner le passage … »

Dimanche 18h, la lumière mordorée du jour inflige encore un éclairage saturé à la table autour de laquelle Lucas et Céline sont assis.

Céline: « Alors ?… »

Lucas: « Je sais pas trop, on a vraiment pas l’habitude … et toi? « 

Céline: « C’est un peu comme les quenettes, mais plus astringent »

Céline replonge la cuillère au cœur du fruit orange et marron pour en extraire un autre noyau, gros comme une olive, enrobé de chair orange filamenteuse et gluante.

« mmh oua bon on ‘a peu’ ète’ ‘a manher le deuyeme au’ourd’hui »

Ce fruit c’est du madd. Un fruit qui nous rappelle que l’on est loin d’avoir fait le tour de toutes les nouvelles saveurs du pays. On a encore beaucoup de choses à découvrir.

Il nous reste une semaine ici pour tout empaqueter pour les vacances. Fermer hermétiquement toutes nos denrées restantes pour éviter que les squatteurs arthropodes viennent faire une rave party de un mois dans notre appartement.

Il est possible qu’on écrive des articles pendant les vacances quand même. Mais cette semaine c’est la fin de la saison 1.

N’hésitez pas à nous dire dans les commentaires si ça vous a plu et si on doit continuer ?

Bonnes vacances à tous nos lecteurs.


Street Food

Hier soir, nous nous sommes déplacés à l’institut français où une soirée Street Food était organisée dans les jardins.

Le Sénégal jouant contre l’Algérie lors de la CAN, nous sommes partis pendant le match en espérant que tout le monde regarderait celui-ci. Bien vu : les routes étaient presque désertes et à notre arrivée au Plateau (quartier de Dakar), des grappes d’hommes regardaient la rencontre sur le trottoir quand une télévision dans un magasin la diffusait.

Nous avons suivi la fin de la rencontre au Bideew (restaurant de l’institut) au milieu de supporters enthousiastes puis déçus par le résultat (Sénégal – Algérie :  0 – 1).

La soirée doit débuter à 19h mais commençant à connaitre les habitudes du pays, nous décidons de nous attabler pour boire un apéro. Encore une fois, notre instinct fut bon. Après le 1er verre bu, le chef cuistot, responsable de la soirée, annonce que celle-ci commencera avec « un peu de retard » suite au match. Nous reprenons un 2ème cocktail. Lucas finit le sien avant moi et part en éclaireur.

Un premier tour des jardins lui permet de voir différents stands qui vendent de la nourriture.
Mais comment payer ?
Il faut convertir nos billets d’entrée en petits coupons bleus sur lesquels sont inscrits, à la main, les montants 100 ; 500 et 1000 cfa. Autant dire que convertir 100 en 1000 est très facile mais tout le monde semble honnête.

Nous voici en possession de nos coupons. Le nombre de clients est conséquent et les files s’allongent. Nous décidons de nous séparer. Assez rapidement, j’obtiens une ration d’agneau. Je ne me suis pas inquiétée du nom du plat car j’ai faim. Je retrouve donc Lucas dans la longue file des brochettes et nous partageons ce 1er met.

Malheureusement, il n’y a plus de brochettes. Je reprends la place de Lucas, qui, lui, se déplace dans la file des beignets. Après quelques minutes, des brochettes arrivent et un homme vient vers moi et me demande :  « Tu es là depuis combien de temps ? ». Je lui réponds : « Très longtemps »….
Afin d’éviter qu’il ne me passe devant.
Il tient un gobelet et me dit « Goûte ça ». Ni une, ni deux, je bois un gorgée du liquide sans avoir aucune idée de ce qu’il contenait. Il me demande ce que j’ai reconnu et je lui réponds : « la graisse de l’agneau »  (c’est le plat que nous venions de manger ). Il me dit : « c’est ça ! » et là, je crois que j’ai obtenu son respect. Il repart.

Pendant ce temps-là, les brochettes sont cuites mais destinées à des personnes qui était devant moi. Résultat : je suis le bec dans l’eau. La personne devant moi demande s’il en reste. La réponse est vague : « oui là-bas » pour un cuistot et l’autre ne dit pas non mais cela y ressemble. Tout ça en wolof (la traduction est faite par mes voisines). J’attends et j’aperçois Lucas qui attend aussi. Pas sûr que nous mangions beaucoup ce soir.

Soudain, l’homme qui m’avait fait boire sa soupe réapparait et me dit :

  • Tu es encore là ?
  • Oui, je ne sais pas s’il y a encore des brochettes.
  • Faut pas attendre comme ça. Regarde !

Et là, il se met à parler de façon convaincue au cuistot en wolof et à la fin me dit « viens ». Je comprends que les prochaines brochettes ne sont pas prêtes d’être cuites.

Je le suis à un autre stand et lui donne un coupon de 1000 cfa. Et là, j’ai eu une démonstration de comment couper une file de 10 personnes sans que personne ne râle.

Les clients attendent sagement assis autour de la gamelle d’où sortent des brochettes d’agneau. Djibril, le Malien, ne respecte pas du tout cette organisation. Il se plante à côté du chef et lui demande une portion. Quelques personnes disent qu’il faut respecter l’ordre. Il dit qu’il était là avant. Le cuisinier sert les personnes qui avaient déjà payé. Les négociations continuent. Il se retourne et me dit : « ca va pas être facile ». Je lui réponds : « c’est pas grave ! ». Et là, il me dit : « je vais y arriver ! ». Ok, laissons faire et observons.
2 hommes, un Sénégalais et un Français, ne se laissent pas avoir mais finalement, j’obtiens ma portion juste après eux. Incroyable ! Je remercie Djibril à qui je donne un morceau de mouton et repars toute heureuse vers Lucas pour partager ce plat obtenu de haute lutte.

Pendant tout de temps de la négociation, je me suis un peu « cachée » pour ne pas me faire rabrouer et observer la technique.

Dernière queue : les beignets dougou qui semblent eux aussi arrivés sur leur fin. Nous discutons avec nos voisines, qui réduisent les quantités demandées, pour partager avec le maximum de gens. Nous obtenons nos beignets dans les derniers car la pate est épuisée.
Nous dégustons notre dessert avec gourmandise en nous déplaçant vers la sortie.

C’est à ce moment-là que nous croisons Soizic, prof d’histoire-géo à Abidjan, que je connais grâce à FerMUN lors de la conférence à Genève. Le monde est petit.
Bref, elle envisage une conférence MUN à Abidjan en 2021. Pourquoi pas y aller avec le lycée de Dakar ? Inshallah !

Immersion

Pour faire de la bonne cuisine il faut aller dans un bon marché. Juste pas très loin de chez nous il y a le marché de Ouakam. Je m’y étais aventuré une fois mais j’étais bien resté en surface. Je n’avais observé que la partie visible de l’iceberg africain qui se terre sur la rue OKM 99. Cette fois nous y retournons avec Margot qui nous donne un cours de cuisine.

Introduction

Cette partie visible brutalise déjà les habitudes trop prudes de nos marchés occidentaux. On commence en souplesse avec des étals de tissus ou linges. Posés à même le sol, les acheteurs font eux-même la recherche des articles sans réellement altérer l’ordre chaotique de la pyramide. Ensuite une demi-douzaine de poulets entravés, posés à même le sol vous dévisagent du bas de toute leur arrogance.

Ablution

Puis viennent des bâtisses en dur. Supposées en dur car les ustensiles en tous genre sont accrochés partout. Il est facile d’imaginer qu’il n’y a pas de stock. C’est là que l’on trouvera des pilons, des marmites, mais aussi des calculatrices, des tongs, des lampes torches des cure-dents et probablement pleins d’autres trésors dont l’utilité été enterrée avec la poussière qui les recouvrent. Si l’on continue le long du trottoir on pourra aussi trouver de nombreuse denrées alimentaires comme des condiments et des poissons. Les poissons sont à l’air libre et dans des sots. Ils semblent frais. Les volées de mouches sont parfois limitées par l’usage d’un martinet en papier.

Perdition

Nous prenons alors la contre-allée. C’est là que ma connaissance de l’endroit s’arrête. Margot demande son chemin en wolof et nous déambulons dans des coursives étroites flanquées de part et d’autres de « boutiques » plus ou moins odorantes. Virage à gauche, à droite et nous voila déjà perdu dans ce dédale. Il n’est pas possible d’avancer à deux de front et les gens ne sont pas du genre à céder le passage. Nous sommes donc très contents d’y être allés pas trop tard et que la densité démographique soit encore supportable. Là encore quelques marchandes de poisson ont des point de vente, mais on sent bien que ce n’est pas le bon endroit.

Optimisation

Enfin une salle plus grande. Le plafond est plus haut, une douzaine de poteaux en béton disputent leur âge et leur couleur a des banderoles Adji et Doli. Ces deux marques de bouillon de cuisine ont probablement sponsorisé l’ouverture du marché il y a plusieurs ères de cela. Un escalier branlant donnant probablement sur rien est aveuglé par des grandes bâches de tissu. Dans cette enceinte, les ruelles formées par les étals sont aussi étroites que les coursives que nous avons quittées. L’espace est entièrement optimisé pour avoir de la place pour vendre. Tant et si bien qu’il y a même un marchand assis sur son propre présentoir pour ne pas gêner le passage. C’est ici que le poisson est le plus à même d’être acheté. Non pas qu’il soit dans des bacs de glace, mais bien moins moucheté. Et il doit bien y avoir du débit car on pourrait s’attendre à une odeur insoutenable vu la quantité d’étals de poisson. Petits, gros, pointus, ronds, sur le ventre, sur les autres, vidés, à la découpe, toute la poiscaille s’est donné rendez-vous ici.

Et c’est une affaire de femmes. En effet la plupart pour ne pas dire tous les poissonniers sont des poissonnières. Et la plupart pour ne pas dire tous les clients sont des clientes.

Transaction

Pour toutes les transactions nous laissons Margot à la barre des négociations. Ainsi il en fut pour le poisson. Un thiof pour 5000CFCA. C’est un prix tout à fait correct d’après elle. Car à Ziguinchor il monte facilement au dessus de 7000CFCA. Elle négocie également tous les ingrédients dont nous avons besoin. Nos pièces disparaissent les unes après les autres en échange d’oignons prédécoupés, de manioc, du tamarin, bissap blanc, un morceau de lambi (ça se prononce « yep » ici), courgette plate, poisson sec quelques cubes maggi, persil, persil chinois etc…

Conclusion

Avant de rentrer il est important aussi d’acheter un ustensile. Notre frêle pilon-et-mortier a rendu l’âme. Brisé en pleine action, le pilon s’est irrémédiablement fendu. Cela fait un moment que nous devions donc en acheter un autre. Et nous savons d’expérience que pour le thieboudiene c’est pratiquement indispensable. Alors Margot continue son rôle de négociatrice trouve tout. Le premier vendeur est largement en dehors du prix du marché. Il est débouté d’un « han han » sec à l’antillaise qui sonne exactement comme maman. C’est sur le retour, à la surface du marché et une fois Céline subtilement embusquée afin de paraitre le moins toubab possible, que Margot arrive à décrocher un prix raisonnable de deu-mil sink’-san. Auquel il faut toujours ajouter un délai de cinq à dix minutes pour trouver la monnaie parce que évidement il ne nous reste que des grosses coupures.

Restauration

Nous ne dévoilerons pas ici l’ensemble de la recette du tiéboudienne (ni son orthographe exacte apparemment), sauf si vous le demandez dans les commentaires. Mais on vous laisse quand même avec une photo.