Balade en charrette

Pour découvrir Simal, nous utilisons un moyen de locomotion très utilisé au Sénégal, la charrette. Celle-ci est une version améliorée avec un matelas posée sur la planche en bois afin que nos arrière-trains ne souffrent pas trop des irrégularités de la piste.

Nous partons avec Christelle, Éric, notre couple de landais ainsi que Ibrahim, notre guide.

Nous parcourons les pistes en découvrant des champs de cacahuètes (le Sénégal est le 4ème plus gros producteur mondial), une hutte où les problèmes entre personnes se règlent, la cabane du marabout qui consulte du lundi au jeudi. Le tarif est le suivant un poulet à 2500cfa et 2500cfa en liquide. Lucas envisage déjà une reconversion.

En poursuivant, nous découvrons de nouveaux oiseaux, en particulier le vanau armé, un lieu où les habitants viennent déposer les restes et les carcasses des animaux afin que d’autres (chacals et plus rarement hyènes) viennent faire office de service de nettoyage. 

Plusieurs termitières sont présentes le long de la piste et nous apprenons que si l’une d’entre elles a des trous , cela signifie qu’elle est morte et que des rampants y habitent. 

Nous poursuivons notre chemin quand soudain Christelle nous dit qu’elle a perdu son appareil photo. Demi tour express … la charrette est véritablement un 4×4 sénégalais. Après quelques mètres, l’objet est retrouvé et le retour se fait en croisant quelques maisons avec piscine et des fromagers.

Un vendredi à Simal

La veille, nous avons décidé d’aller pêcher. 

En guise de réveil matin,   nous avons droit à un concert ornithologique. Petit déjeuner les pieds dans l’eau vers 7h30 avec omelette, jus de bissap et confiture locale. Nous observons de nombreux oiseaux dont nous ne connaissons pas les noms. Il faudrait un livre sur les oiseaux du Sénégal. Lucas en demande un au bar mais comme beaucoup de choses ici, la transmission est orale et c’est le responsable qui fait office de Wikipedia personnifié.

Nous lui décrivons donc les quelques oiseaux que nous avons pu observer et les noms fusent : « tisserin, aigrette dimorphe, tourterelle du Cap, merle métallique à longue queue ».

Il est l’heure d’embarquer. Nous sommes 10 dans la pirogue : un couple de landais, une grand-mère avec sa petite fille accompagnée de son oncle, de sa tante et d’un guide nommé Wali et le pêcheur muni de son extraordinaire chapeau.

Pendant le trajet qui mène au spot de pêche, Wali prend la parole pour ajouter à notre liste le héron centré, l’aigrette blanche et le pélican. Il nous explique que la mangrove a complètement été détruite par l’homme et cela a eu pour conséquence la disparition de nombreux poissons, des champs incultivables et les terres inondables. Début 2000, une association a sensibilisé les populations en diffusant des films documentaires. Les habitants ont pris conscience de l’importance de cette végétation et ont commencé à replanter des palétuviers. Ces actions collectives nous permettent 15 ans plus tard de parcourir une mangrove jeune mais dense.

Nous arrivons sur notre coin de pêche. Une fois les 2 ancres jetées, nous nous munissons de « canne à pêche » et de crevettes en guise d’appât. Les cannes à pêche sont très courtes, très épaisses et le fil est entouré autour. En fait, il s’agit d’un fil de pêche enroulé autour d’un bout de bois assorti d’un hameçon et d’un plomb. Lançons nous ou plutôt lançons les.  Nos expériences cumulées de pêcheurs sont insuffisantes. Nos appâts sont irrémédiablement dépouillés sans que l’hameçon accroche quoi que ce soit. L’expérience du pêcheur seule lui permet de compléter notre bestiaire aquatique : un thiof, une carpe noire et d’autres carpidés. Il enchaîne prise sur prise alors que l’ensemble des touristes « se fait bouffer la crevette ». 

Papas, si vous aviez été là, vous auriez au moins pris des thiofs !

Pendant toute la durée du voyage, Christelle, la landaise, a été malade mais a fait montre d’un courage exemplaire sans jamais se plaindre.

Bilan : 8 pour le pêcheur, 0 pour les touristes.

La pêche, c’est pas héréditaire !

Carnet de bord du capitaine

Départ de Dakar à 7h33. Lucas prend le volant. Ce départ matinal nous permettra d’éviter les bouchons ; pour preuve, à Patte d’Oie, seules 3 voitures sont de front sur les 2 voies et ça avance.

Kilomètre 0 :
Ce que nous croyions être du sable est en fait de la pollution aux microparticules. Vu d’en bas, le soleil fait moins le malin. Un pic équivalent en Europe provoquerait un cataclysme administratif : écoles fermées, circulation au minimum alternée….

Kilomètre 17 :
Péage à la seule autoroute sénégalaise. En plus de récupérer la monnaie, le soleil reprend le pouvoir et Lucas chausse ses lunettes de soleil.

Kilomètre 30 :
Arrêt « au stand »

Kilomètre 85 :
Traversée de Mbour, agglomération imposante. Les instructions sont les suivantes : « traverser Mbour et au rond-point, prendre à gauche avant la station Shell ». Nous nous enfilons donc dans la rue principale en espérant croiser le seul rond-point et c’est le cas.
1ère difficulté surmontée avec succès.
Synchronisation du compteur

Kilomètre 120 :
C’est à ce moment que l’on devrait tourner à droite direction Fimela. Conducteur et copilote sont en alerte scrutant la moindre encoche dans le bitume. La circulation est fluide ; comme d’habitude, des piétons traversent aléatoirement et la surprise provient d’un cochon noir. Le virage à droite se dessine là où nous l’attendions sous la forme d’une route goudronnée étonnamment en très bon état bien que mouchetée par des crottins d’ânes et chevaux.
2ème difficulté surmontée.

Kilomètre 140 :
Notre diligence est doublée par un « taxi » dont l’allure est inhabituelle et c’est pas pas peu dire. Notre regard ne peut pas voir le cockpit, non à cause de vitres teintées, mais à cause de la surpopulation du véhicule. Et cerise sur le gâteau ou plutôt chèvre sur le tacot, il y a un mouton vivant arnaché sur le toit qui profite de la vue et l’air non pollué au calme.

Kilomètre 157 :
Instruction : « tournez à gauche sur la piste au panneau écolodge ».
Loupé !
Quelques mètres plus loin, demi-tour pour prendre la piste.  « Il faut suivre les flèches bleues ». Pas de soucis, elles sont matérialisées sur divers supports : morceaux de bois, troncs d’arbre, pylones, murs de maison. La piste est chaotique, sableuse. Ce ne sont pas quelques nids de poules mais le poulailler tout entier qui a décidé de s’y mettre.
Changement de pilote.
3ème difficulté surmontée.

Kilomètre 162 :
Nous croisons un scooter dans une partie sableuse. Céline quitte les traces et s’arrête. Malheur ! Le redémarrage sur un sol meuble n’est pas encore acquis et ce coup-ci, pas de conseil d’un taximan.
Les 2 jeunes sur le scooter nous conseillent de forcer sur le moteur. Chose faite, on repart.
4ème difficulté surmontée.

Kilomètre 167 :
Nous arrivons à bon port.

 

 

Trailer

*** Dans le prochain épisode de 5189bornes, Céline et Lucas vont à l’écolodge de Simal. Il y a 160 kilomètres à parcourir. Mais la carte n’est pas détaillée, et même googlemap ne présente que certains chemins en pointillés. On prévoit 4 ou 5 heures.

Une fois là bas, pas de connexion, peut être pas d’électricité. Donc pas de nouveaux articles pendant au moins 5 jours.

Du suspens, de l’émotion, de l’action et peut être de la pêche, mais il vous faudra attendre.***

 

C’est l’heure du goûter

A 16h il fait un peu moins chaud ce samedi. Et nous partons donc en excursion dans notre quartier. La cible de départ est la galerie KMG qui devrait se situer entre la mosquée, la Brioche dorée et le terminal de bus. Après 70 jours au Sénégal, nous commençons à maitriser ce genre d’indications et n’avons aucun mal à dénicher l’endroit.

Une fois la grille quelconque passée, nous entrons dans une maison réorganisée en salles d’expositions. On y trouve des décorations en papier mâché à accrocher au mur, des produits locaux (y compris du miel), des bijoux, des vêtements, des boites, vanneries et des quelques meubles. Nous jetons notre dévolu sur un meuble confectionné à base de canettes recyclées qui comblera parfaitement le vide dans notre entrée. Normalement le meuble devrait arriver dans moins d’une semaine.

Une fois l’intégralité des appartements d’expositions passée au peigne fin nous continuons dans la même direction. Nous nous arrêtons brièvement devant un magasin qui propose des tissus, mais rien qui ne nous plaise vraiment. En ligne de mire, la Brioche dorée.

Là il est temps de tester des trucs culinaires. Nous faisons fi des escargots aux raisin, croissants au chocolats, madeleine ou cake qui n’ont que peu d’intérêt. Au lieu de cela nous demandons la composition de pâtisseries qui semblent tombées du chantier d’à coté. Une brique de brioche compacte allégée par de la crème pâtissière et complétée par de la noix de coco. Notre témérité s’arrête à un morceau pour deux.

Le retour se fait par un chemin non exploré encore. Les rues parallèles et perpendiculaires on s’y connait, il y’a un côté très new-yorkais à Dakar finalement. Installés sur notre table nous préparons alors notre gouter. Un jus de mangue lyophilisé dégotté plus tôt au casino viendra peut-être nous désaltérer.

Bilan. La brioche est telle qu’on l’avait imaginée, plutôt bonne et un morceau était suffisant. Le jus de mangue a nécessité plusieurs étapes pour obtenir une consistance liquide correcte. Il a aussi nécessité un ajout de glaçon pour obtenir une qualité gustative minimale. Nous mettons le litre restant au frigo, conservant l’ajout de sucre comme ultime option de sauvetage de la concoction.

Dégg nga wolof

Ca ne se passera pas comme ça. C’est l’état d’esprit dans lequel nous abordons le deuxième cours. Impossible de se résoudre à passer 30 heures à écouter un professeur parler français. Bien heureusement, tout comme l’organisation des élèves autour de la table,  l’orientation du deuxième cours a complètement changé.

Nous nous appuyons maintenant sur des expressions bien plus utiles. Les mots et les phrases sont répétés par les élèves, même si c’est souvent Lucas. Et les deux heures nous donnent les expressions de base. Bases avec lesquels nous pourrons nous fondre complètement dans la population. En plus des formule de politesse, nous apprenons aussi l’impératif.

C’est à ce moment de l’article que l’on va nous demander « allé, vazy dis un truc en wolof, steuplé steuplé steuplé » . Ce à quoi je répondrais  « maa gni seet ». Et oui, j’ai consulté mon carnet, on n’a pas encore tout appris par coeur.

 

3 points bonus pour qui trouve ce que cela signifie.

 

 

 

Tire-wolof ou wolof-bouchon

Hop hop vite dans le taxi, le cours commence à 18h et Céline sort du lycée à 17h. Nous arrivons vite à l’institut français, on nous indique la salle 5 en haut de l’escalier. La porte vitrée est fermée sur une salle frigorifiée par la climatisation dans laquelle attendent un poète sénégalais et la première élève Sarah. Nous apprendrons plus tard qu’elle est anglaise. La salle se complète avec nous puis de Sophie allemande et de Florien le cartographe.

Notre prof, Daouda, se présente : il est poète, a écrit 3 recueils en wolof et a traduit le roman « L’africain » de Giono en wolof. Après s’être présenté rapidement, nous recevons une photocopie de l’alphabert Wolof. Autant vous dire, qu’on est petit joueur en France : au lieu des 26 caractères ASCII, nous voici face à 61 sons.

Commence alors un cours de langue comme vous l’avez cauchemardé. Le professeur passe un par un sur chaque sonorité mais au lieu de faire participer la classe il dit rapidement un mot correspondant et une phrase ou proverbe avec le mot. Sauf qu’au lieu de répéter la version en wolof il insiste trois ou quatre fois sur la traduction en français. Ce qui n’a un intérêt que très limité puisque l’intégralité de la classe est tout à fait à l’aise avec la langue de Molière. Les 2h semblent très longues et comme un élève qui s’ennuie, Céline regarde sa montre à intervalles décroissants. L’inquiétude semble se lire sur les visages de plusieurs apprenants…. On a signé, et payé, pour 30h.

Le débriefing est sans appel. La pédagogie on connaît, enfin surtout Céline, et là ça fonctionnait pas du tout. Mais comme ce n’était que le premier cours, qu’on a payé d’avance et que y’a un resto en bas, nous lui laissons une chance et nous irons donc au plateau mercredi.

 

Cours Sainte Marie de Hann

Nous avons été invités par les collègues de Céline à visiter l’établissement des Maristes. Un établissement partenaire/rival de Jean Mermoz. Levé tôt pour un samedi, et en route. Gros avantage circulatoire pas grand monde sur le tarmac.

Guidés par Bruno et Christine nous arrivons au détour d’une route au rond point des mosaïques. Pénétrant ainsi dans un quartier bigarré. Deux bâtiments jaunes renvoient au soleil son arrogance et une façade sur le coté annonce « aquarium ». Nous sommes déjà bien au milieu de l’institut. Quelques présentations et nous voila guidés par Cyril le chef comptable.

Première étape bureau du directeur. Il nous informe qu’il est le huitième directeur des Maristes. Que ses prédécesseurs avaient un fort penchant pour le domaine artistique et que c’est clairement démontré dans tout l’établissement. Il essaye modestement depuis deux ans de suivre leur trace, mais il est moins versé dans les arts qu’eux.

Et en effet, rien que le bureau est truffé de sculptures, peintures et autres objets d’art. Les couloirs et coursives ne sont pas en reste, les citations philosophiques accrochent l’œil  sur les murs des bâtiments comme sur un mur Facebook. Mais le blanc fade et bleu fades et standards du réseau social sont remplacés par des jaunes énergiques, des bleus électriques et des rouges dynamiques.

Nous parcourons l’institut tandis que Cyril nous explique comment distinguer les classes d’enseignement français: avec peu de chaises et un agencement coordonné, des classes d’enseignement local: avec beaucoup de chaises et un agencement plus spontané. Chaque classe porte le nom d’un personnage célèbre plaqué au dessus de la porte. William Shakespeare, Albert Lituli, Kofi Annan etc...  Les élèves de la classe ont comme mission durant l’année d’en étudier la vie et l’œuvre.

Et comme un hasard combiné de la destinée et de l’improbabilité karmique les classes de Victor Hugo et Aimé Cesaire sont voisines. .. incroyable non ? … non ? …  alors petit rappel d’histoire pour ceux qui n’ont pas percuté Victor Hugo est né à Besançon comme Céline et Aimé Césaire à Basse Pointe comme le père de Lucas. Alors hein .. si c’est pas un signe ça…  je sais pas qu’est-ce que tu as besoin de quoi.

Les niveaux enseignés vont de la maternelle au post-bac. On peut parler de cité scolaire, le tout étant internalisé. Service de bus, médecin, menuisiers … la population du personnel administratif et technique dépasse en quantité la population des enseignants.

La cité scolaire des Maristes s’étend sur 8 hectares,  compte 129 classes et accueille presque 5000 élèves en grande partie musulmans.

La cours est une sorte de parc arboré quadrillée par des allées aux noms pacifiques. On y voit un abri Bob Marley, un jardin japonais qui subit de plein fouet la vie au Sénégal, des pélicans, un cheval albinos… Sur un côté, une immense chapelle accueille les paroissiens locaux en attendant que la leur soit construite.

De gros chantiers ont eu lieu ces dernières années : construction d’une piscine de 25m, réorganisation du réseau informatique, réfection du terrain de foot en cours et d’autres gros projets sont à prévoir (changements des fenêtres pour installer la clim). Le lycée est un endroit très bien entretenu.

Même un samedi, le personnel est disponible pour venir nous saluer, échanger quelques mots et nous souhaiter la bienvenue.