Mettons-nous pour un instant dans la peau d’une banane.
Je suis Marie-Jeanne une banane cueillie sur l’ile volcanique de Fogo. Mon destin était d’être consommée au petit déjeuner dans un gîte à Chã De Caldeiras. Il en a été décidé autrement.
Je me suis retrouvée avec une codétenue banane dans un sac en tissu dans un sac de rando. Ne sachant pas ce qu’il m’attendait, celle-ci m’a raconté son voyage de la veille. Parti pour l’ascension du petit Pico, à deux, elle a été ballottée et s’est retrouvée seule après avoir atteint le cratère. La descente s’est faite avec des soubresauts probablement dus au terrain formé de graviers volcaniques. Après un parcours sur une route, ses geôliers ont décidé d’improviser un raccourci avec plus ou moins de succès. Elle a même entendu râler une voix féminine. Apparement une coulée de lave a coupé court au raccourci et les a obligés à faire tours et détours pour retrouver la route.
Me voilà ainsi embarquée avec une vétérante. Le début est calme et plat. Les abeilles bourdonnent, les eucalyptus sentent bon, les camions d’ouvriers doublent en saluant. Puis la descente commence. Les tacs tacs des bâtons rythment la marche. Une courte halte pour un péage me permet d’avoir un ultime échange avec la vétérante. Elle disparaitra irrémédiablement. Me laissant seule dans ce sac de tissu sur lequel on peut lire « un jeune travailleur vaut tout l’or du monde ». La pente reste abrupte mais l’augmentation des chocs de bâton traduisent l’augmentation des douleurs aux genoux. La peur de disparaitre comme la vétérante est de plus en plus présente. Heureusement les dernières marches d’escalier sont synonymes pour moi d’une fin de journée entière.
C’est aussi l’occasion d’un retour en taxi avec le revigorant air marin. Les virages et les côtes s’enchainent aux sons alternés du klaxon et des allocutions portugaises.
Me voila de retour seule au gîte. Je subis un changement de sac. Ce n’est plus le sac de randonnée, mais un bagage à main à dos. Après un réveil matinal, je me retrouve embarquée à l’intérieur d’un taxi collectif qui sillonne les routes de Fogo. Le sac à dos se retrouve affublée d’une étiquette verte fluo « BINTER » qui ne laisse aucune place au doute: je vais prendre l’avion.
Après un court vol tranquille, une pause au restaurant à Praia, me revoici partie dans les airs. Cette fois un soubressaut impressionnant altère ma santé déjà défaillante. Mais l’atterrissage à Mindelo se passe tout de même bien.
Je me demande encore comment j’ai survécu jusque là. La nuit est difficile, coincée entre un livre et une bouteille d’eau. Mon temps à l’image de ma couleur est dépassé. Je pense la fin proche. Tandis que l’on me fait voyager seule dans mon sac en tissu, sans objet me comprimant. Je parcours les rues de Mindelo la peur au ventre, et revient à la chambre.
Cette histoire se termine sur le destin digne d’une banane: mangée et non jetée.
Vous nous faites de belles compositions…=)
Une belle vie en somme ! Toutes les bananes n’ont pas la chance d’en voir autant ! 😁